Evil Does Not Exist

Ryusuke Hamaguchi, Japon, 2023o

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Takumi et sa fille de huit ans, Hana, vivent en harmonie avec la nature dans une communauté rurale. Le père coupe du bois, puise de l'eau de source et effectue d'autres travaux auxiliaires ; la fillette se promène dans les bois après l'école et observe les animaux. Lorsqu'une agence de relations publiques de Tokyo cherche à promouvoir auprès des autochtones un projet de camping de luxe aux lourdes conséquences environnementales, la résistance s'organise. Mais les représentant·es de l'agence ont eux aussi des doutes sur le projet et leurs emplois. Alors qu'ils tentent de gagner la confiance de Takumi, Hanna disparaît dans la forêt.

Vous recherchez au cinéma une lenteur radicale et cela ne vous dérange pas d'avoir plus de questions à la fin qu'au début ? Alors le nouveau film de Ryusuke Hamaguchi (Drive My Car, Contes du hasard et autres fantaisies) est fait pour vous. Pendant les quatre premières minutes, sur un morceau de musique élégiaque aux douces dissonances, la caméra tournée vers le ciel ne montre que des cimes d'arbres dans une lumière d'hiver blafarde, puis un ouvrier forestier en train de scier et de fendre du bois, enfin occupé à puiser de l'eau de source avec des bidons. À partir de cette initiation au rythme de la vie rurale, Hamaguchi déploie une parabole sur les habitant·es de cette idylle précaire, mise en péril par un projet de camping. Au cours de la scène de confrontation centrale, les provinciaux·les réuni·es donnent une leçon de démocratie directe en matière de conscience écologique aux responsables des relations publiques citadin·nes. Mais à partir de cette scène, le film prend deux de ces tournants inattendus qui sont la marque de fabrique d'Hamaguchi : deux des promoteur·ices de camping de la ville se retrouvent au centre de l'attention avec leurs doutes sur leur rhétorique publicitaire et leur mode de vie, tandis que l'ouvrier forestier et sa fille, présenté·es au début du film, deviennent de mystérieux·ses défenseur·ses de la nature menacée, d'une brutalité inattendue. Il est difficile de saisir avec certitudes la signification profonde de la scène finale à l'atmosphère renversante. Vous trouverez notre proposition d'interprétation dans le bonus de Le mal n'existe pas.

Andreas Furler

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01/09/2024
Blessure de chasse et défense

L'énigmatique dernière scène de «Le mal n'existe pas» : une proposition d'interprétation.

De Andreas Furler 

Il fait partie des habitudes journalistiques de faire précéder des textes comme celui-ci d'un avertissement : attention, nous révélons ici la fin du film. Car – attention, surprise ! – on ne peut pas éviter de révéler ce qui se passe si l'on veut discuter de ce que cela signifie.

Résumons d'abord ceci : les quatre protagonistes de Le mal n'existe pas sont Takumi, un homme de main campagnard qui a perdu sa femme, sa fille de huit ans Hanna, et l'homme et la jeune femme de Tokyo chargé·e·s de faire accepter à la population d'un hameau idyllique perdu dans les bois un projet de camping problématique d'un point de vue écologique. Or les deux responsables des relations publiques ne tardent pas à douter à leur tour du projet et de leur travail d'édulcoration. Dès leur deuxième visite sur place, au cours de laquelle ils auraient dû convaincre Takumi de les rejoindre en tant que gardien de camping potentiel, ils se tournent vers les provinciaux·les. C'est Takahashi qui donne le ton : après avoir réussi à fendre une bûche, il découvre en lui sa nature d'homme des bois et lorgne à présent sur le poste de gardien de camping, ceci après que Takumi a refusé l'offre d'emploi sans ménagement. En d'autres termes, l'idée de Takahashi d'un retour à la nature est aussi naïve que contradictoire. Il espère se faire une place dans la communauté rurale en continuant à servir un projet écologiquement absurde.

En ce qui concerne la scène finale : celle-ci est introduite par une séquence à l'atmosphère magistrale, dans laquelle la fille de Takumi, Hanna, qui parcourt les prairies et les forêts lorsqu'elle rentre de l'école, est portée disparue, ensuite de quoi une recherche fébrile commence à la tombée de la nuit. Au crépuscule, Takumi et Takahashi arrivent finalement à une clairière où ils voient Hanna agenouillée et immobile dans l'herbe, les yeux rivés sur une biche et son faon. Un gros plan montre qu'un des animaux est blessé par balle. Lorsque Hanna enlève sa casquette et s'approche de la biche, Takahashi veut intervenir – précédemment, il a entendu Takumi dire que les animaux craignant les êtres humains peuvent passer à l'attaque lorsqu'ils ont été blessés. Mais alors que Takahashi s'apprête à courir vers Hanna, une cascade d'événements étranges se succèdent sans que l'on s'y attende :

Takumi met Takahashi à terre et l'étrangle avec son bras jusqu'à ce que l'écume sorte de la bouche du citadin et que ses yeux se figent. Takumi se dirige ensuite vers sa fille, qui est à son tour allongée dans l'herbe, inerte, tandis que les cerfs ont disparu. Les yeux de la fillette sont fermés, un peu de sang s'écoule de son nez, comme auparavant sur le pelage du cerf. Takumi soulève la fillette et l'éloigne de la caméra en direction de la forêt, jusqu'à ce que la lumière résiduelle ne permette plus de les distinguer des arbres. Takahashi, que l'on croyait mort, titube alors dans le plan fixe, trébuche, se relève et s'effondre à nouveau. Le dernier plan offre une variation par rapport à la scène d'ouverture : la caméra tournée vers le ciel se déplace à nouveau le long de la cime des arbres de la forêt, cette fois-ci de nuit et au clair de lune, tandis que l'on n'entend non plus la musique élégiaque, parfois doucement menaçante, qui accompagnait plusieurs scènes, mais une respiration lourde qui s'éteint peu à peu avant que l'image ne devienne complètement noire.

Qu'est-ce que cela signifie ? – Une proposition d'interprétation

Les cerfs et le rôle de Takumi dans le film sont la clé de ces événements énigmatiques et aussi du titre, jamais expliqué. Dans l'exposition, Takumi entend des coups de feu provenant d'une chasse lointaine ; plus tard, lui et sa fille découvrent le squelette d'un cerf mort qui, selon Takumi, a été blessé par balle. Enfin, dans le dernier acte, des coups de feu retentissent dans les environs – le danger se rapproche.

Il en va de même pour la menace que le projet de camping fait peser sur la nature, symbolisée par les cerfs, Takumi et Hanna. Ils en savent plus sur la nature que tous les autres personnages, mais Takumi est toujours conscient d'où il parle lorsqu'il s'exprime durant la réunion d'information sur le projet de camping : lui aussi (comme tous les colons locaux) est un nouveau venu et donc un intrus dans cette région.

L'auto-réflexivité de Takumi correspond au topos courant selon lequel l'être humain est un nouveau venu dans l'histoire naturelle et n'est peut-être qu'une aberration de l'évolution. Le citadin Takashi voudrait devenir l'un de ces autochtones (relatifs), mais il n'a rien compris à l'équilibre fragile dans lequel il intervient par sa présence et fait tout ce qu'il ne faut pas. C'est pourquoi, dans la scène finale, Takumi l'attaque quasiment dans un geste de défense, comme une biche qui protège son faon, et le met hors d'état de nuire. La question de savoir s'il le tue reste ouverte et ne joue aucun rôle. En effet, le fait que l'être humain soit éliminé par la nature, qu'il a déséquilibrée, n'a rien à voir avec la méchanceté ou la vengeance de la nature, si souvent évoquée. «Le mal n'existe pas» signifie qu'aucune intention malveillante n'est à l'œuvre lorsque la nature élimine l'être humain, qui s'est égaré dans l'évolution. Après la disparition de l'espèce humaine, la nature déréglée respire difficilement pendant un moment, puis le calme revient.

Le tour de force du réalisateur Ryusuke Hamaguchi est de faire passer ce message au public sans le surligner et de prendre au contraire le risque de le mettre face à des énigmes avec une narration parabolique et de le heurter avec une crudité inattendue. C'est une bonne chose, car les concepts moraux ne sont pas pertinents dans ce contexte : il ne s'agit pas de savoir si l'être humain est bon ou mauvais, mais s'il fait ce qu'il faut, s'il agit intelligemment. S'il ne le fait pas, constate sèchement «Le mal n'existe pas», il disparaît, point final. Cut to black.

C'est dans cette logique que s'inscrit la longue séquence d'ouverture du film, ennuyeuse selon les critères habituels, pendant laquelle on se contente de regarder les arbres pendant quatre minutes, puis Takumi couper du bois et puiser de l'eau pendant onze minutes. À celles et ceux qui n'aiment pas cette lenteur, Hamaguchi signale, dans sa posture d'auteur, qu'ils n'ont rien à espérer de ce film. Reste à savoir s'il s'agit d'une bonne stratégie pour gagner le plus grand nombre de personnes à son message dénué de toute morale. Les dieux de la mise en scène sont eux aussi des sortes d'êtres naturels. On ne peut rien leur dicter, et encore moins leur imposer.

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10/04/2024
Waidwund und wehrhaft

Die rätselhafte letzte Szene von «Evil Does Not Exist»: Ein Interpretationsvorschlag.

De Andreas Furler 

Es gehört zu den heutigen journalistischen Gepflogenheiten, dass man Texten wie diesen eine Spoiler-Warnung voranstellt: Achtung, wir verraten hier das Ende des Films. Denn – Achtung Überraschung! – es lässt sich nicht vermeiden, dass man sagt, was da passiert, wenn man diskutieren will, was es bedeutet.

Vorweg resümierend dies: Die vier Protagonisten von Evil Does Not Exist sind der verwitwete ländliche Handlanger Takumi und seine achtjährige Tochter Hanna, sodann der Mann und die junge Frau aus Tokyo, die der lokalen Bevölkerung einer idyllischen Streusiedlung in den Wäldern ein ökologisch fragwürdiges Campingplatz-Projekt schmackhaft machen sollen. Die beiden PR-Leute befällt allerdings bald ihrerseits Zweifel am Projekt und an ihren Schönfärber-Jobs. Schon beim zweiten Besuch vor Ort, bei dem sie eigentlich Takumi als potenziellen Camping-Platzwart auf ihre Seite holen sollten, laufen sie zu den Provinzlern über. Taktgeber ist dabei Takahashi, der nach einer einzigen geglückten Spaltung eines Holzklotzes den naturwüchsigen Pionier in sich entdeckt und nun selbst mit der Stelle des Platzwartes liebäugelt, dies, nachdem Takumi das Jobangebot unwirsch ausgeschlagen hat. Mit anderen Worten: Takahashis Idee einer Rückkehr zur Natur ist so naiv wie widersprüchlich. Er erhofft sich einen Platz in der ländlichen Gemeinschaft, indem er weiterhin dem ökologisch unsinnigen Projekt aus der Stadt zudient.

Zum besagten Finale: Es wird eingeleitet durch eine atmosphärisch meisterhafte Sequenz, in der Takumis Tochter Hanna, die auf dem Heimweg von der Schule jeweils durch die Wiesen und Wälder streift, vermisst wird und eine fieberhafte Suche nach dem Mädchen in der Dämmerung einsetzt. Im letzten Licht kommen Takumi und Takahashi schliesslich bei einer Lichtung an, wo sie Hanna reglos im Gras knien und auf eine Rehkuh mit Kitz blicken sehen. Eine Grossaufnahme zeigt, dass eines der Tiere angeschossen ist. Als Hanna ihre Mütze abnimmt und auf die Rehkuh zugeht, will Takahashi eingreifen – in einem früheren Moment hat er von Takumi gehört, dass die menschenscheue Fluchttiere waidwund zum Angriff übergehen können. Doch als Takahashi zu Hanna rennen will, setzt unvermutet die kleine Kaskade seltsamer Geschehnisse ein:

Takumi reisst Takahashi zu Boden und würgt ihn mit dem Arm um den Hals, bis dem Städter Schaum aus dem Mund läuft und seine Augen erstarren. Dann geht Takumi zur Tochter, die nun ihrerseits reglos im Gras liegt, während die Rehe verschwunden sind. Die Augen des Mädchens sind zu, aus ihrer Nase rinnt etwas Blut, wie zuvor aus dem Fell des Rehs. Takumi hebt das Mädchen hoch und trägt es von der Kamera weg Richtung Wald, bis sich die beiden im Restlicht nicht mehr von den Bäumen unterscheiden lassen. Da taumelt der tot geglaubte Takahashi in die starre Totale, stolpert, rappelt sich hoch und bricht abermals zusammen. Die letzte Einstellung variiert die Eröffnungsszene: Wieder fährt die himmelwärts gerichtete Kamera den Baumkronen des Waldes entlang, diesmal bei Nacht und Mondschein, während man auf der Tonspur nicht mehr die elegische, mitunter leise bedrohliche Musik hört, die etliche Szenen begleitet hat, sondern ein schweres Atmen, das allmählich verstummt, bevor das Bild ganz schwarz wird.

Was soll das bedeuten? – Ein Vorschlag

Die Rehe und Takumis Rolle im Film sind der Schlüssel zu den rätselhaften Geschehnissen und auch zum nie erklärten Filmtitel. In der Exposition hört Takumi einmal Schüsse einer fernen Jagd, später entdecken er und seine Tochter das Skelett eines verendeten Rehs, das laut Takumi angeschossen wurde. Im letzten Akt schliesslich fallen Schüsse schon in unmittelbarer Umgebung – die Bedrohung kommt näher.

Das Gleiche gilt für die Bedrohung der Natur durch das Campingplatz-Projekt, deren Sinnbild die Rehe und deren menschliche Stellvertreter Takumi und Hanna sind. Die beiden wissen mehr als alle anderen Figuren über die Natur, doch ist sich Takumi immer dessen bewusst, was er in der Infoveranstaltung zum Campingprojekt ausspricht: dass auch er (wie alle lokalen Siedler) ein Neuling und somit ein Eindringling in dieser Gegend ist.

Takumis Selbsteinschätzung entspricht dem gängigen Topos, dass der Mensch ein Neuling in der Naturgeschichte und vielleicht nur ein Irrläufer der Evolution ist. Der Städter Takashi möchte einer diese (relativen) Einheimischen werden, hat aber nichts begriffen vom fragilen Gleichgewicht, in das er mit seiner Präsenz eingreift, und tut partout das Falsche. Deshalb greift ihn Takumi in der Schlussszene quasi anwaltschaftlich an, wie ein waidwundes Reh, das sein Kitz verteidigt, und setzt ihn ausser Gefecht. Ob er ihn sogar tötet, bleibt offen und spielt keine Rolle. Denn: Mit Bosheit oder der viel beschworenen Rache der Natur hat es nichts zu tun, wenn der Mensch von ihr, die er aus dem Gleichgewicht gebracht hat, eliminiert wird. "Evil Does Not Exist" heisst insofern, dass keine böse Absicht im Spiel ist, wenn die Natur den evolutionären Irrläufer Mensch eliminiert. Die aus dem Tritt gebrachte Natur atmet nach dem Verschwinden der menschlichen Spezies einen Moment lang schwer, dann wird es wieder ruhig.

Der Kunstgriff des Regisseurs Ryusuke Hamaguchi liegt darin, dass er diese Botschaft ohne Zeigefinger an sein Publikum bringt und stattdessen das Risiko eingeht, es mit einer parabelhaften Erzählweise vor Rätsel zu stellen und mit unerwarteter Drastik vor den Kopf zu stossen. Gut so, weil moralische Konzepte in diesem Zusammenhang nicht greifen: Es geht nicht darum, ob der Mensch gut oder schlecht ist, sondern ob er das Richtige tut, ob er klug handelt. Tut er es nicht, konstatiert «Evil Does Not Exist» knochentrocken, geht er unter, Punkt. Cut to Black.

Aus dieser Logik heraus hat auch die lange, nach gängigen Kriterien langweilige Eröffnungssequenz des Films ihren Sinn, während der man vier Minuten lang bloss den Bäumen beim Baumsein, dann geschlagene elf Minuten Takumi beim Holzhacken und Wasserschöpfen zusieht. Wenn Du Dich auf diesen Rhythmus nicht einlassen magst, signalisiert uns Hamaguchi auktorial, hast Du in diesem Film nicht verloren. Ob dies eine gute Strategie ist, um möglichst viele Leute für seine moralinfreie Message zu gewinnen, sei dahingestellt. Auch Regiegötter sind eine Art Naturwesen. Man kann ihnen nichts vorschreiben, geschweige denn aufzwingen.

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Données du filmo

Titre original
Aku wa sonzai shinai
Autres titres
Le mal n'existe pas FR
Genre
Drame
Durée
106 Min.
Langue originale
Japonais
Ratings
cccccccccc
ØVotre évaluation7,1/10
IMDB:
7,0 (7000)
Cinefile-User:
< 10 votes
Critiques :
7,2 (4) q

Casting & Equipe techniqueo

Hitoshi OmikaTakumi
Ryo NishikawaHana
Ryuji KosakaTakahashi
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